Lettre d'adieu de Albert PORTRON
écrite de la maison d'arrêt de Fresnes dans la Seine



Albert PORTRON

PORTRON Albert Jules
Né le 7 juin 1914 à La Rochelle (Charente Inférieure, Charente-Maritime), fusillé le 15 juin 1944 à Paris 15e, employé de commerce, FTP, membre du parti communiste clandestin.
Fresnes, le 15 juin 1944,

Ma petite femme très aimée,
Mes chers petits.

Pardonne à ton pauvre mari pour le mal qu'il va te faire, ma chérie. Quand tu recevras cette lettre, je ne serai plus. Je suis condamné à mort, l'exécution doit avoir lieu cet après-midi à 3 heures. J'ai beaucoup de courage, essaie ma chérie, d'en avoir autant que moi. Ne t'abandonne pas au désespoir, je pense à nos petits. Elève-les, je t'en prie dans l'honnêteté la plus scrupuleuse.

Aie du courage, ma chérie, je finirai avec vos chers noms à tous sur les lèvres. Je te demanderai de ne pas être trop triste à cause des petits. Sois forte. Ils ne doivent pas, les chers petits, vivre entourés de tristesse. Sois la digne fille de tes parents. Tu embrasses bien le père Le Mansec et ta mère pour moi. Bien des choses également à la famille ainsi qu'aux voisins et amis. Ma pauvre chérie, les enfants et toi n'êtes pas tard à souffrir. Supporte courageusement cette dure épreuve.

Fasse le ciel que nous soyons les dernières victimes de cette guerre atroce et que nos chers petits ne voient pas une catastrophe comme celle-ci. Pense de temps en temps à ton pauvre Albert, ma chérie, mais de grâce ne t'éternise pas dans ton chagrin. Sache bien que je t'ai aimée comme il n'est pas possible de le faire. Nous aurions encore vécu si heureux si j'étais revenu. Adieu, ma chérie et sois heureuse. Adieu mes chers amours.

Bon courage, ton Albert qui t'adore et qui t'envoie ses derniers baisers.

Vive la France.
Vive la paix.

Albert